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Voyage à Auschwitz

Semaine banalisée – Voyage à Auschwitz
 
Textes de Julie C., accompagnés d’un poème écrit par Mme Raviolo.
 
Budy Bór. Un des 40 sous-camps d’Auschwitz. Elles étaient des femmes. Elles étaient françaises. Elles avaient mon âge. Au fond, elles avaient foi en le même Dieu que moi. Je ne peux pas m’empêcher de remarquer les similitudes qui nous unissent. J’aurais voulu avoir quelque chose à dire au monsieur. J’aurais voulu comprendre le polonais, juste aujourd’hui, juste à 8h.
Malgré tout ce que l’on peut raconter, ces femmes, on les a oubliées. On ne connaît pas leur nom, on ne connaît pas leur numéro de matricule, on ne connaît pas leur visage, on ne connaît pas leur date d’entrée au sous-camp, on ne connaît pas leur date de mort, on ne connaît même pas le nombre de convois arrivés ici. Heureusement, le monsieur se rappelle. Et encore plus, il raconte. Et encore plus, il recherche. Mais on ne devrait plus chercher, on devrait tout savoir.
Elles aussi sont passées par la porte. Elles aussi ont marché à ma place. Elles aussi ont écouté dans cette pièce. Les Juives et les Nazies.
Est-ce qu’il vaut mieux être ici, entre petit comité de femmes, ou à Auschwitz-Birkenau ?
 
Auschwitz I :
Il pleut. C’est de cette boue dans laquelle je vais aussi marcher dont ils parlent tous. Mais nous n’avons pas les mêmes chaussures.
Arbeit macht frei. J’ai besoin de prendre une très grande inspiration.
Aujourd’hui, j’ai marché sur des morts. Que Dieu me pardonne. Qu’Il nous pardonne à tous.
À Auschwitz et à Birkenau, tout m’a paru indécent. J’ai été incapable de rendre un sourire. J’ai été incapable de prendre une photo. J’ai été incapable de regarder l’heure. J’ai été incapable d’accepter que j’avais faim et que j’étais fatiguée. J’ai été incapable de pleurer. J’ai été incapable d’être digne de la mémoire des victimes. Je suis incapable de bien raconter.
 
Une semaine après être rentrée, Auschwitz-Birkenau me travaille encore beaucoup. J’y pense souvent. Je n’ai pris aucune photo, mais je me souviens de tout. Quand je ferme les yeux, je peux revoir la petite maison de Budy Bór, la grande salle ; entre les barbelés, l’entrée « Arbeit macht frei », le sol, les rues, les trottoirs, le block de l’hôpital, la vue sur les barbelés depuis la fenêtre d’un block, le panneau qui indique un danger d’électrocution, la chambre à gaz, les fours crématoires, le block 24 et sa tour, la potence de Rudolf Höss, la potence pour les prisonniers, les portraits, les photographies, la prison, le monument aux morts, les nattes et les boucles, les lunettes, les prothèses, les chaussures d’adultes, les chaussures d’enfants, la vaisselle, les valises, les vêtements, les lavabos, la chambre du kapo, les lits superposés en bois ; le mirador de Birkenau vu de l’extérieur et de l’intérieur, les plaques commémoratives au fond, le reste des fours dynamités, le wagon, les rails, la destruction à droite, la ville à gauche, la forêt au loin, les poêles, les étagères dans les baraquements ; et les fleurs des champs.